En tant que jeune musicien employé par des aristocrates, Jean-Sébastien Bach se devait de connaître les danses de cour françaises à la mode de son époque. Personne ne sait s'il en a maîtrisé les pas souvent délicats, mais, comme le suggère John Butt, ses Quatre suites orchestrales montrent à quel point il a su intégrer leur gestuelle à sa musique. « Je pense que ces pièces montrent très nettement que Bach s'intéressait autant au mouvement physique qu'à la musique "pour le cerveau et les oreilles" qui l’a rendu célèbre », explique-t-il à Apple Music. Butt et les excellents instrumentistes d'époque de son Dunedin Consort font ressortir toute la saveur française de chacune des suites de danse de Bach. Ils mettent en valeur leurs riches combinaisons d’opulence et de grâce tout en insufflant une énergie rythmique irrésistible à chaque mouvement. Les tempos rapides de Butt reflètent ainsi les exigences pratiques d'une courante ou d'un menuet, qui sont presque impossibles à danser à une vitesse trop lente. Même les pièces les plus familières – l’« Air » de la troisième suite, la « Badinerie » de la deuxième ou la scintillante « Ouverture » de la quatrième - semblent fraîches et spontanées. « Nous nous sommes efforcés de montrer la subtilité que recelaient ces formes de danses en apparence si simples, explique Butt, « mais aussi de montrer la simplicité derrière la virtuosité typique des ouvertures de chacune des suites ». Cette approche est étayée par un jeu qui égale et parfois dépasse les standards déjà établis par le Dunedin Consort dans leur enregistrement - tout aussi révélateur - des Concertos Brandebourgeois de Bach. Impossible de rester immobile en écoutant ces performances, ou d'ignorer ce que Butt appelle les « démarches » [« gaits », en anglais, NDR] et les « positions » [« dispositions », NDR] changeantes de la musique de Bach. « Il y a de nombreux enregistrements de ces pièces et de danses baroques en général », admet-il, « mais nous avons particulièrement essayé d'explorer les diverses humeurs, vitesses et implications émotionnelles de ces différents types de danse. » La compréhension raffinée dont fait preuve le Dunedin Consort à l’égard des suites françaises effrénées de Bach nous transporte à une époque où musique et mouvement étaient inséparables. Comme le note John Butt, cette succession de danses « nous aide à percevoir les rythmes et les structures similaires dans de nombreuses autres pièces de Bach, même celles qui ont été conçues pour exprimer la plus grande dévotion ».