Dans une scène de son opéra de 1968, Le Passager, Mieczyslaw Weinberg dépeint un prisonnier à Auschwitz jouant la « Chaconne » de Bach de la Partita n° 2 pour violon seul, tel un acte de défi. Le compositeur polonais, dont les parents sont morts aux mains des nazis, donne ce même air de défi — associé à une rage inextinguible — à ses trois sonates pour violon seul. Écrites en 1964, 1967 et 1979, elles sont interprétées ici par Gidon Kremer, ardent défenseur de la musique de Weinberg, et conjuguent expressivité radicale et redoutables difficultés techniques. Le violoniste s’en affranchit avec brio, conférant toute sa puissance à la Sonate N° 1, des pizzicatos agressifs de son ouverture au frénétique « Presto » final. Il offre ensuite son extraordinaire énergie aux courts et intenses épisodes de la Sonate n° 2 et expose enfin toute la richesse émotionnelle de la Sonate N° 3, entre tendres réminiscences familiales et rage débridée.