

Au début des années 1990, lorsque le compositeur et pianiste classique Philip Glass entreprit de composer ses Études, il souhaitait écrire des pièces qu’il pourrait interpréter lors de ses concerts en solo au piano, tout en améliorant sa technique de jeu. Une décennie plus tard, il se lança dans un second ensemble de dix études, approfondissant son exploration du rythme et de l’harmonie, ce qui donna naissance à des pièces dépassant ses propres capacités techniques. La deuxième série est donc beaucoup plus difficile à jouer, mais pour une virtuose accomplie comme Vanessa Wagner, ce cycle d’études représente un tout autre type de défi. « Il ne s’agit pas d’une démonstration musicale de virtuosité, comme lorsqu’on joue les études de Chopin ou de Liszt », explique-t-elle à Apple Music Classical. « Il faut plutôt être capable de créer de la tension, d’apporter quelque chose de cinématographique et de coloré, mais de manière musicale. » Écoutez les Études de Glass et vous vous souviendrez peut-être de ses bandes originales de films. Dans l’Étude n° 8, par exemple, on retrouve des réminiscences du piano solo envoûtant du film The Truman Show sorti en 1998, et dans l’Étude n° 20 du documentaire hypnotique Visitors de Godfrey Reggio, composé dans sa foulée. Mais ce qui rend peut-être les Études de Glass si cinématographiques, c’est la façon dont elles évoquent l’ambiance, en utilisant la répétition d’une manière à la fois méditative et immersive, discrète et évocatrice. Avec les arpèges répétés caractéristiques de l’Étude n° 1 d’ouverture, nous sommes entraînés dans un sentiment de mystère sombre qui laisse place à la mélodie et à des moments de lumière. « Pour moi, les Études doivent être jouées comme Schubert, car comme dans la musique de Schubert, il y a de la nostalgie, de la mélancolie, du lyrisme et un humour espiègle », explique la pianiste française. « On y trouve aussi une impression de danse, ou quelque chose de rythmique, avec beaucoup de tendresse. On ne peut pas vraiment qualifier cela de romantique, mais c’est très émotionnel ; c’est toujours vivant et coloré, comme dans la musique impressionniste. » Outre Schubert, vous entendrez des allusions à l’impressionnisme de Debussy dans les textures d’aquarelle de l’Étude n° 2. Mais alors que les Études de Debussy, ainsi que les clairs-obscurs des œuvres pour Piano de Schubert, exigent une liberté d’expression de la part de leur interprète, la musique de Glass est davantage axée sur la contrainte, la précision et l’équilibre. « Il faut une grande maîtrise du clavier, ainsi qu’une immense concentration », explique Vanessa Wagner. « Il suffit de laisser les gens entrer dans ce monde magique. La difficulté est qu’il faut être un ou une pianiste d’exception pour y parvenir, pour la jouer parfaitement. Car une fausse note ou un accent mal synchronisé s’entendent immédiatement. C’est comme Bach : il faut être presque parfait quand on joue. Tout doit être joué au bon rythme, à la perfection. » Vanessa Wagner a interprété certaines des Études individuellement lors des dernières années ; « quand on écoute le cycle en entier, cela prend une signification très différente », dit-elle. « C’est comme un grand arc entre la première Étude et la dernière. » Au sein de cet arc, les pièces sont toutes liées d’une manière ou d’une autre : la n° 5, méditative, offre le calme avant les tempêtes de la n° 6 ; la nouvelle injection de lyrisme et de grandeur de la n° 8 annonce la n° 16, un motif commun reliant les deux œuvres ; la n° 11 ouvre le deuxième livre avec un nouveau type d’expressivité, qui culmine avec la n° 15, le climax du Livre 2 ; tandis que la modeste Étude n°19 ouvre la voie au finale. « La n° 20 est une condensation de ce que vous avez entendu précédemment : elle est très intense. Elle termine le cycle, mais elle est complètement différente des autres », explique la pianiste française. « Elle ouvre un nouveau monde. »
10 octobre 2025 20 morceaux, 2 heures 11 minutes ℗ 2025 InFiné
LABEL
InFinéSur cet album
Vitaly Shumkin
Piano préparé
Production
- Martin AntiphonIngénierie de mixage, Ingénierie de mastérisation
- Cecile LenoirIngénierie de mixage, Ingénierie de prise de son